23/07/2009 à 06h53 Moi, Nicolas Paul Stephan Marie Winston Sarkozy Série Et si c’était un…
La comédie ne fait plus rire
On l’affublera sans doute de noms pompeux tels
qu’«Election Day» ou «le grand défi», mais ne soyez pas dupes: le
13 avril n’est pas un grand jour pour les Italiens. On pourrait
l’appeler, modestement mais honnêtement: «Concours pour
1 100 postes dans un organisme d’Etat parlementaire.» Même si tous
les partis se sont donné un mal de chien pour changer de look, de
slogan et d’image, chaque logo pourrait être accompagné par la phrase:
«Je tente encore le coup.» Car à ces élections se présenteront
peut-être quelques braves gens, mais la plupart des candidats sont les
sempiternels vieux roublards de la politique, recyclés, mis en examen,
acquittés, périmés mais surtout, ratés.
Moumoutes. Le nouveau leader du centre gauche, Walter Veltroni,
a perdu des mois à parler en grand secret avec Berlusconi, ratant même
le modeste objectif d’une nouvelle loi électorale. On ignore de quoi
ils ont parlé durant tout ce temps, peut-être de cinéma ou de
moumoutes. En fait, pendant qu’ils faisaient semblant de discuter de
grandes réformes, le gouvernement Prodi tombait, grâce aux manÅuvres de
ceux qui ont retourné leur veste.
Mais le plus raté de tous est justement le zombie le plus riche du
monde, Berlusconi, qui tente de se présenter comme un homme neuf, avec
de faux cheveux et un lifting qui désormais, est un embaumement
prématuré. Il devrait intéresser les égyptologues plus que les
politologues. Le Silvio des Pyramides est, à tous les égards, un
catalogue de ratages politiques: deux fois désavoué par les électeurs,
il a déjà gouverné durant deux législatures sans parvenir à résoudre
quoi que ce soit, améliorant uniquement sa propre situation pénale et
patrimoniale. Quant à ses alliés, Gianfranco Fini, d’Alleanza
Nazionale, et Umberto Bossi, de la Ligue du Nord, ils ont braillé et
radoté, causant nouvelle droite et fédéralisme, mais ils sont restés
les majordomes de Berlusconi et ont rejoint son parti, ratant ainsi
tout projet d’autonomie. En comparaison, Gianfranco Casini,
démocrate-chrétien du paléozoïque, a fait figure de géant, en se
présentant seul.
Ce vieux scénario peut vous sembler comique et vous rappeler les
clichés habituels sur l’Italie: l’art de la combinazione, les mafieux
à mousquetons, la mamma et le curé. Mais l’Italie qui vous faisait
rire, avec sadisme ou avec indulgence, a disparu. L’art de la
combinazione a été remplacé par l’art de s’enrichir. Les mafieux ne se
promènent plus avec un mousqueton, mais en costume de marque, et
blanchissent leurs gains dans les banques, dans les industries ou dans
les télévisions.
Excommunications. La mamma? En Italie, les crimes à l’intérieur
des familles, les meurtres, les violences, constituent le spectacle
télévisé favori. Il ne se passe pas un jour sans qu’une nuée de caméras
avides de sang ne prenne d’assaut les villas où ont été perpétrés des
crimes entre membres d’une même famille. Quant au clergé, les simples
curés de village, les missionnaires, les théologiens de la libération,
ils ne comptent plus; seul importe le parti des cardinaux, avec ses
excommunications, sa misogynie et sa soif de pouvoir médiatique.
L’Italie est un pays immensément plus complexe qu’il ne paraît, vu de
l’extérieur. Mais une bande de politiciens et de journalistes occupent
90% de la scène médiatique. A la télévision, on voit les mêmes têtes
depuis vingt ans. On finit par se demander si elles ne sont pas peintes
sur l’écran, ou si la télécommande n’est pas morte d’ennui.
Purificateur d’air. Le temps de l’histoire est plus long qu’un
journal télévisé: peut-être que, tôt ou tard, cette occupation prendra
fin et qu’il se produira des catastrophes, joyeuses ou terribles. Mais
pour le moment, s’il vous plaît, que personne n’utilise des termes
comme «grand défi» et «vote historique». En attendant, la campagne a
démarré. Veltroni sillonne le pays en autocar, une idée déjà mise en
pratique par Prodi, il y a vingt ans. Mais l’autocar est plus grand,
avec frigo bar, espace Internet et purificateur d’air.
De l’air neuf, il n’y en a pas, contentons-nous de l’air
conditionné. Le zombi Berlusconi déchaîne ses télévisions, pollue les
murs avec des affiches colossales et se promène parmi ses concitoyens
comme un homme quelconque, ou tout au moins, comme un homme quelconque
avec une escorte de soixante hommes.
Même si ce n’est pas facile, certains ont encore de l’espoir.
L’Italie est un drôle de pays, qui a souvent engendré du nouveau à
partir du désastre. Mais c’est un pays épuisé, et actuellement, les
citoyens sont convaincus qu’on leur a refilé des élections usagées.
(Traduction Marguerite Pozzoli)